Les quelques heures qui nous séparent d’un premier dîner déjà somptueux (eh oui ce n’est pas pour rien que nous sommes repartis vers l’Italie…) sont consacrées aux révisions (voire apprentissage) des manips de corde, préalable indispensable à un itinéraire très glaciaire cette année. Le challenge de l’année consiste utiliser un rouleau de ficelle de boucher comme corde de rappel, ce qui nous permet de confirmer que le diamètre de la cordelette utilisée pour confectionner un nœud auto-bloquant doit bien être inférieur à celui de ladite corde. Heureusement, Stéph (ou Fredo?) avait pensé à prendre quelques mètres de micro-ficelou pour fournir à chacun de quoi faire un prussik, et leur permettre de gagner les étages supérieurs par un remonté de corde magistral (oui, il y avait bien un escalier pour cela, mais l’occasion était trop belle pour frimer un pied entortillé dans une sangle et une main arc-boutée sur nos). Avant de nous endormir nous nous délectons à la lecture de nos exploits de l’an dernier, immortalisés et mis en scène par Chris, le roi du roman photo qui a su aussi intégrer pour la première fois la prose de votre serviteur. Mise en abîme (au figuré, espérons-le !) et éternel recommencement ?

Les choses sérieuses commencent justement dès le lendemain matin 

il a neigeoté toute la nuit, la route est glissante et Fredo manque de se mettre dans le fossé au milieu de la rampe d’accès au parking de départ: nous démarrons en effet d’un hameau au-dessus de Cogne, pour revenir à Lillaz à ski en fin de boucle dans 6 jours. Fredo doit donc redescendre sa voiture à Lillaz et remonter avec celle de Stéph – manip de voiture qui était de toutes façons prévue pour faire la liaison vers le départ en fin de raid. Le temps est bouché et le soleil a du mal à percer… mais la brume qui flotte au-dessus du sentier que nous prenons pour monter au refuge Sella (étape du jour) est propice à la découverte de la faune locale. Les chamois nous accompagnent de virage en lacet, pas farouches pour deux sous (il faut dire que nous sommes dans une réserve naturelle historique, remontant au temps du roi Victor Emmanuel II…) - et que d’autre part les rochers déneigés sont riches en lichens et autres mousses à déguster. Le chemin dans la forêt a été refait à neuf avec de belles marches en ardoises par endroits, et débouche sur un alpage en contrebas du refuge. Nous y arrivons vers 13h, après 3 heures de montée (contre deux prédites par notre hôtesse de la veille… mais il doit y avoir un facteur local !)

Cherchez l'intrus... sur le chemin d'été du refuge Sella.

Stéph P et deux complices repartent préparer la trace pour le lendemain en fin d’après-midi, histoire de se dégourdir les jambes. La neige est molle, on enfonce au niveau du genou à chaque pas ce qui rend la trace épuisante (du moins pour le court passage que j’ai pu tester!) La descente est à peine moins fatigante que la montée car les skis peinent à déjauger. Seule la dernière pente au-dessus du refuge se prête à la godille. Retour in extremis avant que Stéph V et Fredo n’envoient les secours (c’est vrai qu’il est déjà 18h… d’où l’utilité de bien s’entendre sur l’heure de retour en cas de virées impromptues!)

Deuxième et longue étape le lendemain 

nous traversons vers le refuge Chabod via le sommet du Gran Serra, à 3500 m. Nous bénéficions en début de montée des travaux la veille de la dameuse Pointeaux, puis traçons dans une neige fraîche toujours aussi abondante. En revanche le ciel est dégagé et nous permet d’apprécier la profondeur du plateau bosselé sur lequel nous finissons par prendre pied, et la raideur du cirque qui l’entoure. Une pause au timing opportun nous permet de laisser un large groupe d’Autrichiens parti peu après nous du refuge prendre la relève. Chacun son tour après tout… et nous voilà repartis sur leurs talons dans un jeu à qui mieux mieux qui durera, sans que nous le sachions encore, jusqu’au dernier coup de spatule…

Nous les suivons donc droit dans le pentu pour sortir du cirque par un couloir étroit mais pas si terrible, puis sur les pentes de neige qui borde les rochers du sommet, avant de devoir faire la queue pendant deux bonnes heures en attendant que les treize skieurs qui nous précèdent négocient les quelques pas d’escalade qui défendent le toit du Gran Serra (une belle table de granite plate). Pour la descente nous optons pour le rappel depuis le bord de ladite table, copiant pour cela les recommandations techniques d’un autre guide Autrichien : Fredo « mouline » les skieurs depuis la chaîne de rappel (avec un nœud demi cab’), puis me laisse le plaisir de faire un rappel auto-assuré sur la ficelle de boucher. Laquelle manip s’avère assez redoutable car mon prussik coulisse mal et n’arrête pas de se bloquer, y compris quand je n’ai aucune prise sur le granit lisse avec mes crampons pour soulager le nœud (note technique : le guide Autrichien s’était auto-mouliné en étant attaché à un brin de la corde et relié à l’autre brin via un demi-cab. Ce qui était bien plus malin même si cela ne dispensait pas en théorie d’une auto-assurance...)

 Ca se bouscule au portillon, juste sous le Gran Serra

Après moult imprécations et coincements baroques je parviens enfin à prendre pied dans la pente sous-sommitale et à me lancer sur mes skis… pour me rendre compte que la semelle botte à mort et que mes planches glissent à peine malgré les bons 25 degrés de pente. Un coup de fart et quelques belles godilles dans la bonne poudreuse plus tard, nous arrivons sur le collu qui permet de basculer dans le vallon où nous attend notre deuxième montée de la journée. La neige est molle voire un peu instable sur le versant Sud, où nous déclenchons de petites coulées en passant. Grâce à ce petit raccourci nous avons économisé 400 m de dénivelée positive, et sommes repassés en pole position. La trace est toujours aussi fatigante, et de nouveau une petite pause stratégique nous permet de laisser au guide de tout-à-l’heure le privilège de faire la trace. Privilège cédé d’autant plus gracieusement que l’accès au col (ou plutôt à la brèche) n’est pas des plus avenants. Le guide s’engage, traverse en diagonale puis demande à ses clients (et à notre groupe) de rester sagement sur le bord du couloir alors qu’il négocie les derniers mètres sous l’arête menant à la brèche. Le temps se fait long d’autant que les 13 Autrichiens sont à présent sur nos talons et nous pressent d’avancer, même si le guide a expliqué (en allemand bien sûr) qu’il ne faut pas monter derrière lui. L’ambiance devient franchement désagréable et nous nous en expliquons avec eux dans un allemand rudimentaire car en plus nos chers collègues font semblant de ne pas comprendre l’anglais. Wunderbar, et bel exemple de solidarité montagnarde…

La bréche menant au refuge Chabod

Les quelques mètres sur l’arête finale sont très aériens et photogéniques, entre ciel et terre… La descente vers le refuge est rapide et sûre, et la gardienne est contente de nous voir arriver à 18h, elle qui ne pensait plus nous voir à cette heure tardive. Heureusement elle nous avait quand même prévu une ration de minestrone et de jarrets d’un mystérieux animal (entre veau, cochon et dahu), qui quoiqu’il en soit restera un pur délice !

9 Avril - summit day

(et accessoirement anniversaire de ma fille aînée, à qui je m’empresserai d’envoyer un message texte dès que le réseau passera… Notons au passage que Stéph P, spécialiste en la matière, a renoncé la veille à redescendre 100 m en dessous du refuge pour appeler sa Louloute – du jamais vu, c’est vous dire que la trace avait dû être épuisante ! ) La longue montée vers le Grand Paradis se fait en compagnie des nombreuses cordées venues tester le 4000 le plus facile de ce côté-ci des Alpes (et intégralement italien). La veille au refuge j’ai lu qu’un fanatique de la démocratisation de l’alpinisme l’avait fait gravir par un âne en 1933 - «aujourd’hui il y en a 13 » explique Fredo en regardant d’agiter un peu derrière nous un groupe désormais familier. Les vents catabatiques qui descendent du glacier del Laveciau maintiennent un froid polaire (avec un air autour de -15 °C) qui fait venir l’onglée à Fredo – l’occasion pour Chris de lui montrer comment se réchauffer les mains au contact de la partie la plus chaude du corps (que nous ne dévoilerons pas ici). Les pipettes congèlent aussi, ce qui m’empêche de boire jusqu’au dernier virage sous le sommet (que j’atteinds la langue pendante), tandis que la gourde de Stéph V rend l’âme à mi-parcours (lequel Stéph s’empresse de prendre une dernière photo pour donner le change à Lolo...). Il faut faire la queue (encore!) pour fouler le sommet après quelques pas d’escalade donc un pas de traversée aérien et un réta sur une nouvelle table de granit qui rebute initialement Fredo et Stéph P (heureusement ils sont mis en confiance à la deuxième tentative par la ficelle de boucher – comme quoi le mental…).

Il y a du monde sur l'arête sommitale du Paradis !

Séance photo autour de la Madone bienveillante, et revanche sur les Autrichiens qui cette fois doivent attendre que nous voulions bien descendre du sommet… Descente plein Nord vers le refuge Vittorio Emmanuele II, sur le glacier du Grand Paradis. La neige assez croûteuse en moyenne mais avec des contre-pentes encore en poudreuse, bien gouleyantes… Un groupe de skieurs Espagnols galère tandis que nos chers Autrichiens s’en donnent à cœur joie et nous donnent quelques leçons de godille tout-terrain. Stéph P sauve l’honneur avec un soleil à 360 degrés magnifiquement exécuté ; il rebondit comme un chat sur la neige et repart comme si de rien n’était (applaudissement des mêmes Autrichiens). Au refuge, un Chris en manque taxe l’appareil photo de Fredo et mitraille sous tous les angles la belle bâtisse en forme de carène renversée. Des choucas volettent à droite et à gauche et se posent sur la toiture d’un gris argenté étincelant – tandis que les cumulus qui flottent dans le ciel en arrière-plan entretiennent un petit suspense sur la météo du lendemain…

Le froid pique toujours au petit matin

quand nous nous mettons en route pour rallier le refuge de Pontese. Nous allons tourner le Grand Paradis par ses contreforts avec deux sympathiques petits cols au programme et de longues descentes plein Est. Nous manquons une première bifurcation vers le premier col (du Grand Paradis) et nous retrouvons à tracer vers un col à main droite du premier qui permet d’atteindre un petit sommet, la Tresenta (3605 m). Une idée géniale germe néanmoins dans la tête du Master mind Fredo alors que nous traversions des contre-pentes pour revenir sur le bon chemin: un petit diverticule vers cette pointe permettrait de savourer de belles descentes plein Nord, et aurait l’avantage de laisser les Autrichiens (qui nous suivent encore pour cette étape) faire la trace devant, et de ne plus les avoir aux fesses, comme la veille. La première hypothèse s’avère un chouille vérolée : la poudreuse est partie depuis belle lurette, et il à moins de skier « très léger » il est difficile de se faire plaisir dans une croûte traîtresse… Heureusement la suite se présente mieux : les zigzags menant au col sont bien tracés, nous admirons même la performance du groupe dont pas un n’a déchaussé alors que nous finissons tous crampons aux pieds et skis sur le dos, impressionnés par le gaz d’une goulotte finale entrelardé de rochers.

Le plateau glaciaire au Sud du Grand Paradis

De l’autre côté du col, un schuss d’anthologie permet de traverser tout un plateau glaciaire en glissant sur les rails posés par les Autrichiens, face à une armée de pénitents de calcaire qui défilent au ralenti, avec en arrière plan la Testa della Tribolazione et les antécimes du Grand Paradis… Chris rate sont départ pour cause de casquette arrachée par le souffle de son appel initial, puis se latte sur une des vaguelettes qui strient la trace. Il rejoint la troupe juste avant que Stéph V n’envoie l’équipe de secours. Une courte montée (vers le colle del Becchi) plus tard, la deuxième descente de la journée se révèle plus technique alors que la nebbia, qui noie déjà les vallées au Sud, commence à s’élever vers nous. Et nous avons besoin de visibilité pour trouver le refuge, perché au sommet d’une gorge au bout d’un plateau très large et sans repères évidents. Fredo coupe au plus court par un jump de 12 mètres (Nico dixit, qui a le compas dans l’œil), pas tout-à-fait prévu : cri de surprise, tassement du corps pour amortir, réception sur les fesses – tout un art, qui subjugue et tente d’autres membres du groupe. Chris de son côté gère la fougère par de grandes traversées en épingles à cheveux, sans de départir de son calme malgré l’empressement de Fredo et Stéph V. Il atterrit en douceur dans le vallon des Muandes, alors que le ciel bleu a disparu et qu’on ne voit pas beaucoup plus loin que les spatules des skis. Coup de chance, celles-ci retrouvent rapidement les traces de nos prédécesseurs, et nous déposent sur le perron du chalet au toit jaune quelques instants plus tard. L’accueil de la petite famille qui gère le refuge est des plus sympathiques. Leur épopée se retrouve dans l’album photo sépia qui montre la construction de leur maison d’altitude, et l’impressionnante collection de BD des années 1990 – période de l’enfance de leur fille, qui est toujours là et gère les différents groupes (dont nos Autrichiens un peu « spéciaux », nous confie-t-elle) d’une main fer, gantée de laine polaire. Laquelle a d’ailleurs « du niveau » en ski, d’après Fredo, qui a repéré ses skis siglés « Tester » dans le cabanon à matos, et le fait qu’on ne peut y ajouter des couteaux – or elle nous raconte ses dernières sorties (nous lui avions demandé des idées pour le lendemain, censé être notre jour « de repos »), dans des couloirs pas possibles comme si il s’était agi de faire le tour du square en bas de la rue.

Après une bonne nuit dans notre chambrée

et sur les conseils de notre hôtesse, donc, nous tentons une sortie dans le brouillard matinal : histoire de mériter le merveilleux dîner à six plats et trois sortes de pasta du soir. Objectif : la Bocchetta del Monte Nero, une brèche sise à 3 277 m entre la Testa di Money et le Monte Nero lui-même, qui pointe à 3 422 m - ou au moins ses abords, tant que la visibilité nous permettra d’avancer (et de retrouver le chemin du retour!) La bande se sépare en deux groupes : quatre lève-tôt se dévouent pour faire la trace dans la petit couche de fraîche rajoutée pendant la nuit tandis que les autres profitent de la grasse matinée pour sprinter ensuite. Passées les bergeries enfouies dans la neige, nichées au creux d’un cirque crénelé de pics aux proportions dantesques, l’itinéraire oblique à gauche vers un couloir encaissé puis une goulotte en half-pipe dont le sommet prend un malin plaisir à reculer à chaque lacet. Nous voilà finalement perchés sur une belle terrasse d’altitude, à 2800 m environ. Le vent souffle fort et le plafond de nebbia commence à s’épaissir dans la vallée… Nous faisons demi-tour après avoir inspecté la débauche de « canali » (couloirs) alléchants qui déboulent des crêtes qui nous surplombent. Cela sera pour une prochaine journée de repos… Deux touristes nous attendent au milieu du half-pipe, et s’ensuivent quelques acrobaties y compris pour négocier la croûte qui cède fréquemment sous le glaçage de la veille.

Départ sous une brume tenace le lendemain

pour la dernière étape de notre tour. Nous voilà au milieu d’une palanquée de groupes, dont nos chers Autrichiens (toujours au nombre de 13). Les autres sont emmenés par des guides qui ont longuement conféré au dîner la veille pour voir comment partager la logistique d’une traversée qui s’annonce délicate, entre navigation au compas dans le jour blanc et risque d’avalanche accru à cause des chutes de neige récentes. Plus le fait qu’en gros tout le refuge va vouloir boucler la boucle et passer par même col, un certain colle del Tellecio. L’un des trois guides, qui vient des Drei Zinnen dans les Dolomites (à l’autre bout de l’arc Alpin) ressemble à s’y méprendre au Professor de la Casa de Papel, et nous briefe rapidement avant de rejoindre ses clients (qui étaient derrière nous, et lui devant). Pas sur le casse du siècle, bizarrement, mais sur le fait de respecter les distances de sécurité (100 m entre 2 skieurs), et d’attendre donc patiemment notre tour. La caravane s’étire donc en accordéon sur les premières pentes au-dessus des bergeries, et les amples zigzags pris par les guides pour éviter les coins avalancheux ralentissent fortement la progression. Les Autrichiens piaffent d’impatience (eh oui, ils sont encore juste derrière nous), et les plus bourrins d’entre eux finissent par griller la politesse à tout le monde en coupant les lacets pour se retrouver en pole position. A l’arrivée sur le plateau glaciaire qui mène au col, après avoir gravi une combe assez raide et traversé sous le socle rocheux de la Torre des Gran San Pietro (3800 m et des brouettes), nous assistons à une explication de gravures entre guides et bolides autrichiens. Lesquels sont sommés de faire la trace devant et de ne plus importuner les clients des premiers. La file d'attente dans le jour blanc... et ça pousse derrière nous !

Nous cherchons du regard la Punta Ondenzana, qui aurait pu être la cerise sur le gâteau givré du jour, mais le plafond s’est refermé après une éclaircie passagère, et l’itinéraire n’est pas tracé. Le col lui-même reste invisible aussi, et nous sommes dubitatifs quant au sens de l’orientation des Autrichiens… jusqu’à déboucher sur un petit collu entre deux bastions de granit, repères que ne figurent pas dans les topos mais ont dû apparaître récemment avec le recul du glacier. La descente nous réserve une surprise similaire : après de belles pentes de poudreuse nous tirons à droite pour prendre pied sur le glacier delle Sengie, qui donne directement dans le vallon de Lilliaz, notre destination. Un guide Italien qui avait eu la même idée nous conseille néanmoins de repeauter et de remonter dans l’axe du col : à part sauter une barre de 5 mètres il n’a pas vu comment arriver sur ce glacier – dont les crevasses béantes juste au-dessus de notre point d’arrivée supposé ne font pas non plus trop envie… Le lendemain la gardienne du refuge Pontese m’affirmera au téléphone que le passage est toujours possible, mais nous n’aurons donc pas le fin mot de l’histoire…

Nico au départ pour rider la peuf de rêve...

Nous nous tapons une bonne petite suée pour contourner une épaule et reprendre l’itinéraire direct. La visibilité est à présent parfaite pour une longue descente dans une poudreuse de cinéma. Chris kiffe grave, presqu’autant que la montée qui lui a laissé le temps d’admirer l’ambiance, voire le paysage dans les trouées de nuages, plutôt que le regard rivé sur ses spatules (enfin on espère que ce n’est pas ce qu’il a retenu des jours précédents!)

En ce début d’après-midi les coulées commencent à partir de tous les côtés aux abords du vallon que nous descendons à fond de train. L’un d’entre elles finit par gagner le chemin quelques secondes après notre passage (mais fort mollement tout de même…) Grâce au couvert forestier la neige est restée sur le chemin jusqu’à l’entrée du village, ce qui minimise le temps de portage… et nous permet de parader en pleine forme avec nos skis sur l’épaule, et d’adresser un ultime et magnanime salut à nos collègues autrichiens, attablés au meilleur restau du patelin. Allez, sans rancune va… mais plutôt en forme d’adieu que d’au revoir !

Balade dans le Valsavarenche, un pli de montagne à l’Ouest de Cogne

pour notre dernier jour de raid. Nous mettons les peaux au hameau de Breuil, au bout de la route, traversons un camping et attaquons une montée sur une neige en béton typique de cette période de printemps, en principe – sauf que c’est la première fois que nous la rencontrons cette année! L’heure du demi-tour se rapprochant à grands pas (fixée précisément à 10h30, d’après le rétro-planning des horaires du train de Ben à Aix), et comme le col du domine la vallée nous refait le coup du mirage qui se décale toujours aussi loin, nous jetons notre dévolu sur un petit goulet qui descend des hauteurs à main gauche. Cette fois les couteaux sont de rigueur, même si Fredo insiste pour les mettre en place en équilibre sur ses skis dans une pente à 40°…. pour ensuite se carapater presto vers une bonne trace qui remonte le bord de la combe sur un flanc moins raide que celle-ci. D’autres suivent tandis que Stéph P, Nico et Ben s’acharnent au fond du goulet alors qu’il se rapproche de plus de plus de la verticale... pour n’en ressortir qu’à quelques brassées de l’arête effilée qui sera notre point culminant de la journée. Nico gagne au passage sa médaille d’or des conversions en conditions acrobatiques, tandis que Chris trace comme un chef à la descente en versant Nord (tout en se gardant bien de révéler qu’il est encore en poudreuse légère). Ben éventera rapidement le secret d’un coup de bâton en haut de la pente – le « flofff » qui accompagne ce geste est un bruit merveilleusement doux aux oreilles des skieurs de printemps, une véritable pépite pour des mineurs d’or blanc. Bouquetins à tous les étages sur la route du retour – les braves bêtes broutent paisiblement dans les alpages tout juste dégagés après les dernières chutes de neige… Avec les chamois du départ, la boucle est bouclée y compris en termes de comité d’accueil.

Dernier "sommet" pour la fine équipe !

Le dernier déjeuner qui nous attend à l’Hostellerie du Gran Paradiso est somptueux. Notre hôte, un papy avenant aux airs parfois mystérieux nous régale aussi bien des vins du cru que des anecdotes historico-politiques retraçant les relations tumultueuses entre France et Italie autour du Val d’Aoste, dans un français parfait (même il explique préférer l’italien à la langue des occupants savoyards). S’ensuit un cours d’œnologie sur les cépages Valdôtains autorisés par la « Communauté Européenne » (nous avons renoncé à lui expliquer que la vénérable Communauté a changé de nom il y a environ vingt ans), d’où il ressort qu’un vigneron de son village donne des cours de viticulture à de lointains Canadiens, voire au Danemark (je ne savais pas qu’il y avait de la vigne là-bas, vive le changement climatique alors!) Au moment des au-revoir, sa fille nous propose de le prendre avec nous puisque nous l’avons trouvé si « gentil » et aux petits soins pour nous accueillir…

Un trait d’humour Valdôtain que nous ne relèverons pas, mais c’est promis, nous reviendrons prendre des nouvelles du Paradis en deux mille vingt… et un !