Benny Bean's Blog

Bioenergy, environmental assessment, and beyond...

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Bilan environnemental

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vendredi, janvier 1 2021

Pour vous y retrouver dans votre empreinte carbone...

Oui, il faut absolument réduire vos émissions de CO2 : vous en êtes convaincu.e mais vous aimeriez bien savoir par quel bout commencer... Direction les calculateurs d'empreinte carbone personnelle, mais lequel choisir dans cette nouvelle jungle ? Pas de panique, j'en ai testé quelques-uns pour vous (après avoir concocté mon propre outil, on n'est pas carbon geek pour rien), et vous propose un peu d'aide ci-dessous...

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vendredi, mars 15 2019

Sauver la planète : en mode top-down ou bottom-up ?

L’enfer climatique vers lequel nous pourrions nous diriger à grands pas est pavé de bonnes intentions, et l’actualité fourmille d’exemples qui illustrent la difficulté de nos concitoyens quelque peu désemparés à prendre le problème à bras le corps. Devant l’échec des politiques mises en place par les gouvernements en la matière (marqué par l’impossibilité à contenir la hausse des émissions de CO2 mondiales) et l’imminence des changements à imprimer pour rester sur une trajectoire climatique supportable (le dernier rapport du GIEC enjoignant «d’inverser la courbe » des émissions dès 2020, c’est-à-dire demain), nul ne sait à quel saint se vouer.

Les lycéens et étudiants de notre village global mettent leurs aînés devant leur responsabilité et dénoncent leur incapacité à actionner les manettes des pouvoirs économique et politique dans le bon sens ; des associations traînent l’État devant la justice pour manquement à ses engagements récents; d’autres collectifs s’organisent à l’échelle locale pour promouvoir des actions et comportements climato-responsables, comme le mouvement CARE dans la communauté scientifique (voir l’appel dans Le Monde des Sciences), ou les associations zéro-déchets.

De quel côté et dans quel sens va réellement s’enclencher le mouvement vertueux que des pans entiers de la société civile appellent désormais de leurs voeux? Du haut (des gouvernements) vers le bas (vous et moi), ou l’inverse? Autrement dit, dans le langage de la start’up nation Macronienne, faut-il la jouer top-down ou bottom-up?

Les arguments s’entendent dans les deux sens: je me souviens, lors d’un débat autour de la COP21 de 2015 d’un collègue d’un think-tank réputé énonçant que nos actions individuelles ne pèsent que pour 19 % (admirable précision) dans les émissions de carbone d’un pays – le reste étant donc le résultat de choix politiques et d’efforts consentis lors des négociations internationales, avec l’issue que l’on sait. Ce pourcentage est peu enthousiasmant voire démobilisateur quand on nous enjoint chaque jour de faire un geste pour la planète en triant mieux nos déchets, en limitant notre consommation de viande ou nos trajets en voiture, ou en évitant de surchauffer nos logements. A mon humble avis en fait ce chiffre est impossible à estimer réellement, notamment à cause d’un obstacle technique majeur: personne n’est capable de mesurer leur poids exact de ces gestes dans la balance générale. Les données d’empreinte carbone pour les produits de grande consommations se généralisent dans tous les secteurs, mais l’information n’est pas toujours disponible et par ailleurs relativement générique: le thermomètre à CO2 ne saura distinguer la botte de poireaux achetée à la ferme bio à 10 kilomètres de chez vous de celle qui provient de la supérette du coin.

De la même façon, comment prioriser nos choix et arbitrer entre des investissements personnels (travaux d’isolation ou voiture électrique?), si l’on ne dispose pas de l’ensemble du tableau? Enfin il existe une part (les 81% restants de tout-à-l’heure, ou à tout le moins une fraction significative) sur laquelle les citoyens éco-responsables n’ont définitivement pas la main : l’accès à des services collectifs qui sont gérés ailleurs, à de multiples niveaux (de la gestion des déchets par les municipalités aux fonctions régaliennes de l’État, en passant pas la santé et l’éducation).

Indépendamment des contraintes budgétaires des ménages, il reste au final un problème entre offre et demande, et c’est là toute la question. Si tous les Français se mettaient du jour au lendemain à l’électricité verte, les fournisseurs et distributeurs du réseau seraient incapables de suivre – dans le meilleur des cas l’offre sera à la hauteur dans une vingtaine d’années. Rouler à l’électrique implique de déployer un réseau de bornes de recharge très coûteux – et encore faudrait-il que le réseau soit entièrement décarboné, ce qui nous ramène au cas précédent et à l’inertie de nos systèmes technologiques. La transition tant attendue vers une économie neutre en CO2 prendra du temps – trop de temps certainement, et c’est pourquoi le rapport du GIEC précité prône le recours à des technologies à « émissions négatives » à court terme, un pari hautement risqué par ailleurs.

Néanmoins il reste possible d’accélérer le mouvement en jouant sur tous les tableaux : de la demande du côté des consommateurs-citoyens, à la fois en produits et services bas-carbone, et pour une offre politique résolument engagée sur la question climatique - sans oublier un échelon intermédiaire dans lequel tout un chacun, au niveau de responsabilité qui est le sien, pourra faire valoir ses convictions sur le sujet. Celui des décisions, quotidiennes ou stratégiques, des entreprises, administrations, associations ou collectivités auxquelles nous prenons part dans nos différentes sphères d’action et d’engagement. La mise à disposition de données et d’informations sur l’impact des choix et leviers d’action qui s’offrent à ces différents niveaux reste un besoin majeur qui nécessite de redoubler d’efforts sur la création, mise à disposition et la communication de données.

Ainsi informées, les aspirations s’exprimant aux différents étages de la maison pourront converger et empêcher que celle-ci brûle pendant que nous regarderions dans la mauvaise direction...

vendredi, décembre 23 2016

Agriculture biologique et gaz à effet de serre

Un éminent climatologue m'a récemment posé la question du bilan 'gaz à effet de serre' de l'agriculture biologique, par rapport à l'agriculture dite conventionnelle (non biologique).

Ci-dessous quelques éléments, qui sont loin de fournir une réponse définitive et constitutent plutôt des pistes de réflexion.

En général les comparaisons entre "bio" et conventionnel depoint de vue du bilan GES (via l'analyse de cycle de vie) tournent au désavantage du bio du fait de ses rendements plus faibles, notamment pour les productions animales (voir la méta-analyse de Seufert et al. pour les productions végétales, qui conclue à un écart relatif de 13% ) 34%). L'agriculture bio n'a d'ailleurs pas été retenue dans l'expertise INRA sur la réduction des GES agricoles (mais aussi et surtout car son potentiel de développement était jugé trop faible pour être significatif).

Les bilans ci-dessus omettent en général (faute d'estimations précises en fait) la capacité des systèmes bio à faire augmenter le carbone des sols, via les engrais organiques, les restitutions de résidus de récolte, le maintien des prairies pour les ruminants etc... or c'est un point fort du bio, et un point clé dans les bilans GES agricoles. Donc l'un dans l'autre le bio doit conserver un intérêt par rapport aux émissions de GES (à étudier de plus près !)

Un dernier point est que, les rendements étant encore une fois plus faibles en bio en moyenne (cf ci-dessus), il faudrait en toute rigueur examiner les effets sur les changements d'usage des sols, en termes de compensation, qui risquent de grever le bilan du bio. Un récent 'working paper' de Jean-Christophe Bureau estime que si 20% des surfaces en blé, colza et maïs passaient en bio à l'échelle de l'Europe, ces effets auraient pour résultat une émission nette de 62 millions de tonnes de CO2 (soit 8 tonnes par hectare converti en bio, ce qui n'est pas néglieable - attention il faudrait ensuite 'annualiser' cette dette carbone).

Bref, le bilan est un peu mitigé - clairement la justification du bio n'est pas forcément à chercher du côte du climat, en tout cas du point de vue agricole ce n'est pas le "silver bullet"

lundi, décembre 13 2010

Vers une meilleure efficience environnementale des systèmes agricoles ?

Face à une demande croissante en produits alimentaires, fibres et énergie, l'agriculture est de plus sommée de réduire son impact sur l'environnement. Pour relever ce défi il lui faudra conjuguer une meilleure efficience d'utilisation des ressources qu'elle mobilise (eau, surface terrestre, énergie) et une réduction de ses émissions de composés polluants (gaz à effet de serre, nitrates, pesticides). Cette conférence, donnée à l'Ecole Polytechnique dans le cadre des conférences Coriolis en Novembre 2010, aborde les méthodologies possibles pour évaluer ces impacts environnementaux, fournit un diagnostic des systèmes agricoles actuels en Europe, et explore des solutions possibles pour améliorer leurs performances. Certains changements de pratiques agricoles et d'espèces cultivées constituent des leviers prometteurs, de même que des synergies plus étroites entre élevages, cultures, et espaces urbanisés.

(Diaporama ).

L'ordinateur portable 0 carbone ?

Dans le cadre de la démarche développement durable de mon labo, j'avais commencé il y a 10 ans (2010) à regarder comment réduire l'empreinte carbone de mes activités de bureau. Quelques réflexions éparses suivent, mais je vous recommande de regarder mon post tout récent sur la mesure de votre empreinte carbone personnelle, et les conseils pour se retrouver dans la jungle des calculateurs en ligne ou applis qui fleurissent. Dans le détail, pour revenir à mon bureau:

  1. je m'éclaire avec une lampe de bureau basse consommation d'une puissance de 13W, ce qui m'évite d'allumer mon plafonnier de 4 néons@60 W de puissance chacun, soit une économie de (240 - 13) W x 2 h/jour en moyenne (à la louche !) x 3 j /semaine de présence au labo x 44 semaines travaillées / an = 60 kWh d'économisées. En CO2 cela donne une économie de 60 x 0,09 kg CO2/kWh électrique en France (source: AIE) = 5,4 kg CO2. Plutôt faible... notamment rapporté aux 4 t CO2/an émises par un agent de la fonction publique en moyenne en France. Ceci dit, en prenant le mix Européen (0,46 kg CO2/kWh), l'économie serait de 28 kg CO2.
  2. j'ai coupé le chauffage, les fuites des pièces adjacentes suffisent à maintenir une température correcte (18 C ou plus). Au plus fort de la vague de froid de début Décembre 2010 (- 5 C dehors la nuit) j'avais encore 16 C de température le matin. Ensuite cela monte assez vite car j'ai 3 fenêtres orientées Sud/Sud-Ouest et le bureau jouit d'un effet de serre notable, même en hiver (l'été ça devient un peu trop chaud d'ailleurs, même en fermant les stores). Economies ? A voir en regardant les chiffres du bilan carbone de l'ADEME, mais le chauffage pour un bureau d'environ 15 m2 doit représenter une économie annuelle de 248 kWh/m2 x 15 m2 soit 3720 kWh de fioul, ou encore 3720 x 90 g CO2/kWh = 335 kg CO2 (là on commence à voir quelque chose !)
  3. Reste le poste incontournable: le fonctionnement du poste informatique (à présent on parle aussi et surtout des émissions du Net qui est derrière...). La puissance nécessaire est de l'ordre de 200 W (100 W pour le portable, 100 W pour l'écran plat), pour environ 7h/jour soit 1,4 kWh par jour ou 320 kWh/an (228 jours travaillés). Avec le contenu CO2 du mix électrique français on arrive à 29 kg CO2/an, ce qui n'est pas excessif. On pourrait vouloir remplacer cela par du 100% renouvelable, mais il n'est pas sûr qu'on fasse une bonne affaire avec les coûts d'amortissement du matériel (y compris en CO2).

D'après le JRC d'Ispra (logiciel PVGis), avec un panneau solaire photovoltaïque de 1 m2, on peut récupérer 1 kWh/j en hiver et 3 kWh/j en été - donc il faudrait compter environ 1,2 m2 pour que cela passe (avec 20% de marge). Coûts d'équipement:

  • 2 panneaux (Si cristallin) de 0,66 m2 / 100 W chacun = 758 € (site Future-ETech).
  • 1 régulateur de charge: ~ 35 €
  • 1 batterie 12V - 60A ~ 200 €
  • 1 convertisseur 12 V - 500 W: 70 €

Soit un total de 1063 € pour générer 130 kWh - même amorti sur 25 ans le coût est de 0,23 €/kWh, pas donné... mieux vaut réfléchir à une solution collective au niveau du labo (pour utiliser toute la puissance générée par le panneau).

  1. Ensuite les conseils classiques s'appliquent: limiter les impressions, utiliser le sèche main électrique (30 kg CO2 économisées/an/personne par rapport aux serviettes en papier), utiliser le vélo de service ou les transports en commun pour les déplacements plutôt que les voitures de service, etc...

Le télé-travail va sûrement arranger les choses, même avec l'empreinte des solutions alternatives digitales... En 2020 par exemple j'ai dû renoncer à une dizaine de déplacements en France et en Europe, qui auraient émis au bas mot 2 ou 3 tonnes de CO2.

mercredi, avril 14 2010

Quels impacts des agri-carburants sur le territoire ?

L'intérêt des agri-carburants (issus de l'agriculture) en termes d'économie d'énergie fossile et d'émissions de gaz à effet de serre, même si régulièrement débattu, est démontré. Mais qu'en est-il des autres types de pollution, typiquement liées à l'activité agricole (pertes de nitrates, contamination par des pesticides, ..), qui ont lieu au niveau du territoire de production de la matière première végétale ?

Le texte ci-dessous reprend un message envoyé à un élu local s'inquiétant des impacts du développement des agri-carburants (surtout bio-diesel de colza) sur le territoire.

"Voici quelques éléments, concernant a/ les polluants azotés (dont pertes de nitrate), b/ les herbicides (et leur éco-toxicité), et enfin c/ d'autres impacts écologiques.

A/ Nous avons comparé par simulation différentes rotations (avec ou sans colza), et trouvé que la présence du colza n'induisait des émissions de polluants azotés significativement plus fortes ou plus faibles (cliquer ici pour le rapport - même si la lecture risque d'être un peu fastidieuse). Dans un autre projet, nous avons aussi examiné les pertes de nitrate sous des rotations blé/colza, et montré qu'une bonne gestion de l'interculture entre colza et blé permettait de réduire fortement les pertes en nitrates.

b/ Nous avons fait le même type de comparaison pour les herbicides, entre rotation colza-blé-betterave-blé et monoculture de maïs, et trouvé une pression sur l'environnement légèrement plus faible dans le cas de la première rotation (thèse de Laure Mamy, 2004).

c/ il y a d'autres volets qualitatifs à prendre en compte, notamment l'impact écologique sur les 'auxiliaires' (les animaux ou insectes qui 'vivent' sur le champ cultivé). Il se pourrait par exemple que le pollen du colza soit trop pauvre en azote pour les abeilles, comparé au pollen d'autres cultures.

Il y a aussi l'impact sur l'érosion des sols, la structure physique des sols, la biodiversité animale, floristique, etc... Un récent rapport de l'agence de l'environnement Européenne classe les cultures énergétiques de ce point de vue (p. 63 pour le colza).

Les indicateurs sont en général moyens pour le colza, mais pas pires que ceux des grandes cultures qu'il remplace (maïs ou blé). Pour terminer, un des intérêts du colza est qu'il assure un haut retour de matière organique au sol (environ 7-8 tonnes de pailles/an). Ce qui permet de stocker un peu de carbone (ie un puits de gaz à effet de serre), et de maintenir la qualité microbiologique et physique des sols."

Exercice de comptabilité du CO2

Le carbone contenu dans la biomasse est dit 'renouvelable', biogénique ou encore à cycle court. Il repart bien à l'atmosphère sous forme de CO2, après utilisation de la biomasse, mais comme il provient de la photosynthèse, il ne participe pas à l'accumulation des gaz à effet de serre dans cette dernière. Cependant, une proportion variable du CO2 fixé par la photosynthèse n'est pas transformé en énergie: une partie de la biomasse produite reste sur les parcelles agricoles (racines, résidus de récolte), dont une faible proportion sera stabilisée à terme dans l'humus, tandis que le reste est perdu au cours de la chaîne de transformation (CO2 dégagé lors de la fermentation des sucres en alcool, par exemple).

La fixation totale de CO2 par les cultures énergétiques dépend essentiellement des rendements des cultures, qui sont eux mêmes dépendants des régions, années climatiques, pratiques culturales, etc... d'où l'intérêt d'utiliser des références locales de rendements. Des statistiques sont disponibles sur le site de la FAO pour les données nationales, et sur le site AGRESTE du Ministère de l'agriculture pour les Départements Français). On peut en déduire le CO2 absorbé, sachant que les plantes contiennent environ 40% de carbone dans leurs tissus, et les arbres 45%.

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Le Tableau ci-dessus reprend quelques valeurs au niveau français (extrait de l'expertise 'stockage de carbone dans les sols' de l'INRA, en 2002). Ceci correspond à la partie récoltée - pour la fixation totale, il faut estimer un indice de récolte (fraction de la biomasse récoltée sur la biomasse aérienne totale), et une proportion biomasse aérienne / souterraine. Le Tableau ci-dessous reprend cette décomposition pour différents écosystèmes ('expertise 'stockage de carbone dans les sols' de l'INRA).

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A titre indicatif, les plantes de grandes cultures produisent (globalement) entre 10 et 20 tonnes de matière sèche par an, soit une fixation de 4 à 8 tonnes de C/ha/an (ou 14,5 à 29 tonnes éq. CO2/ha/an) Pour la forêt, la même expertise cite un chiffre de 8 t C/ha/an, dont 3 t sont exportées.

Energie et matière organique des sols

Les cultures énergétiques vont-elles appauvrir les sols en matière organique ? Il y a des arguments pour et des contre, en fonction des cultures, des niveaux de prélèvement de la biomasse, et de la nature et de l'histoire des sols. Une chose reste certaine: défricher des terres en forêts ou prairies permanentes pour cultiver des plantes annuelles n'est pas la bonne solution !

L'évolution du contenu en matière organique des sols cultivés (notamment leur teneur en carbone, qui constitue approximativement 58% de la matière organique) dépend:

  1. 1. des pratiques culturales (travail du sol, gestion des pailles, successions des cultures, etc...),
  2. 2. des changements d'usage qu'ils ont éventuellement subis.

Les cultures énergétiques sont susceptibles de faire intervenir les 2 types de facteurs. Les données ci-dessous sont tirées (sauf mention contraire) de l'expertise collective de l'INRA sur le stockage de carbone dans les sols (2002).

Energie et changements d'usage

Par changement d'usage on entend des passages entre prairies permanentes, forêts et cultures (terres dites 'labourables'). Ces dernières sont le plus souvent des cultures annuelles (ie ré-implantées tous les ans), et labourées - bien que les techniques de travail du sol simplifiées sans labour profond tendent à se répandre actuellement en France. En France, les déstockages de carbone moyens liés à la conversion en terres labourables sont estimés ainsi: forêt -> terres labourables = perte de 30 tonnes de C / ha (à multiplier par 44/12 pour obtenir des équivalents C02) prairies permanents -> terres labourables = perte de 25 tonnes de C / ha

Compte tenu de ces pertes sèches, une étude du Centre de Recherche Européen d'Ispra estimait le temps 'd'amortissement' entre 20 et... 110 ans, selon les biocarburants considérés. Un prix fort à payer pour mobiliser de nouvelles terres labourables pour les agro-carburants. Il s'agissait néanmoins ici uniquement de cultures annuelles. Pour les cultures pérennes, les choses sont un petit peu différentes, dans la mesure où elles seraient plus aptes à stocker du carbone (voire ci-dessous). Le passage de prairies permanentes 'pauvres' à des prairies temporaires occasionnerait des pertes maximales de 0,1 à 0,2 tonne de C/ha/an sur 20 ans - voire générerait une augmentation dans la même fourchette si la prairie temporaire (ici la culture pérenne) a une productivité plus forte que la prairie permanente initiale, ce qui serait probablement le cas avec les cultures énergétiques.

Il reste à évoquer le cas de la jachère, puisque jusqu'à présent les cultures-énergie étaient implantées sur ce type de terre. La jachère peut être fixe (ie gelée pour plusieurs années successives), ou tournante (ie la parcelle est gelée une année, étant précédée et suivie de cultures annuelles classiques). Il est difficile d'avoir des statistiques précises sur la répartition des 2 types de jachère, mais on peut considérer qu'environ 30% des surfaces en jachère ne sont pas cultivables 'dans de bonnes conditions' (ie sont fixes - Sourie et al., 2004 ).

Les jachères tournantes sont couvertes, ie on implante un couvert à l'automne pour ne pas laisser le sol nu, ce qui laisserait fuir les nitrates vers les eaux. Dans la mesure où la culture énergétique a une productivité en biomasse (aérienne et souterraine) supérieure à celle de ce couvert temporaire, on peut considérer qu'elle constitue un léger puits de carbone (0,16 t C/ha/an). Si l'on retourne une jachère fixe pour faire une culture annuelle, le déstockage de carbone peut être important - mais n'a pas encore été étudié.

L'effet des pratiques culturales

L'exportation de résidus de récolte de plantes annuelles, comme des pailles de blé ou des cannes de maïs, est considérée comme un gisement à fort potentiel au niveau mondial. Néanmoins ce potentiel doit être ajusté pour éviter une chute de matière organique (MO) des sols. Le sujet reste controversé aux Etats-Unis, où les problèmes d'érosion (et de pertes de MO) sont sensibles. En France, une étude récente en Picardie a montré que le niveau de prélèvement acceptable de ce point de vue était de l'ordre de 25% du gisement total - voire un peu plus appliquant une gestion 'à la parcelle'. Parmi les cultures annuelles utilisées actuellement pour l'énergie, le colza pourrait être intéressant pour la MO des sols car fournisseur de pailles (a priori pas forcément mobilisables pour l'énergie, du fait de contraintes de récolte). A contrario, le maïs ensilage utilisé en Allemagne pour le bio-gaz contribuerait à faire baisser le niveau de MO, du fait d'une exportation de 90% de la biomasse aérienne produite. L'implantation de cultures intermédiaires piège à nitrates (CIPAN) permettrait dans une certaine mesure de pallier ce défaut, mais il faudra rester vigilant. Les cultures pérennes, enfin, (comme le miscanthus ou le switchgrass) permettrait un stockage de carbone plus important que les cultures annuelles pendant leur cycle de vie. Néanmoins il semble que la matière organique ainsi accumulée soit assez rapidement dégradée une fois que la parcelle est retournée.