Benny Bean's Blog

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samedi, avril 29 2023

Argentera 2023: une semaine dans le frigo à poudre

Où pointer ses spatules en mal de glisse quand l'hiver est resté désespérément sec ? Les saisons précédentes ayant dirigé notre bande de chasseurs de poudre vers la Méditerranée, pourquoi ne pas finir notre longue traversée au dessus de la French Riviera ? Un coup de fil début mars au gardien du refuge de Nice nous confirme que malheureusement le Mercantour passera son tour ce printemps. Les skieurs dépités ont déjà plié gaules et peaux de phoque, tandis que les marmottes pointent déjà leur tête sur les alpages reverdis. Dans l’envers transalpin, en revanche, la poudre tombe à gogo, refuges et vallons enneigés affichent complet. Début mars, un généreux “retour d’est” (phénomène météo bien connu des pourtours de la plaine du Po) signe notre retour vers l’exotisme des massifs italiens: en l’occurrence l’Argentera et ses vallées “taillées à la hache” (Stéph V dixit).

Notre premier point de chute, l’”Osteria della Pace”, est un havre dédié aux randonneurs à ski, sur la grand-place de Sambuco. Perché sur un balcon naturel avec vue panoramique sur le Valle Stura, ce village aux trois clochers se situe à l’aplomb d’un bastion d’allure dolomitique. Les gérants de l’Osteria, eux-mêmes passionnés de montagne, prennent la glisse très au sérieux. Pas de problème pour servir la “collazione” du matin à six heures tapantes si c’est la garantie d’une bonne descente pour les clients. Raffaele, le gendre du patron, n’est pas avare de conseils et connaît chaque couloir ou contre-pente qui entaille le massif. Après le dîner (où nous retrouvons les délices de la gastronomie italienne, couleur locale en plus avec les gnocchis aux orties ou le minestrone parfumé aux épinards sauvages), nous cuisinons notre hôte sur le temps de portage, les chances de trouver de la poudreuse ou les difficultés des pentes sommitales. Aucun problème pour Raffaele, même si les tracés apparaissent en rouge sur la carte spéciale ski de rando dénichée par Fredo, et indiquent “ottimo sciatore alpinista” (TBSA en français): “vous êtes des ottimi sciatori, de toute façon”. De l’art de l’hospitalité et de bien cerner ses clients… Dossard 75 au départ du couloir du Passo Corborant

Les balades s’enchaînent avec quelques flocons au départ ou au retour, voire une “nebbia” (le brouillard qui monte de l’immense plaine voisine) persistente. Qu’importe, le soleil finit par dominer et nous nous régalons dans les pentes nord où, en effet, il reste une bonne couche de poudreuse. Mais par quel mystère trouve-t-on encore de la bonne neige alors que les adrets sont totalement découverts, et de même que les versants français plus à l’ouest ? La propension à faire précipiter l’humidité des retours d’est constitue une première explication; l’autre serait liée à l’orientation nord-sud des combes, leur étroitesse et la raideur des thalwegs qui garantit la fraîcheur jusqu’en fin de saison… Et des vallons qui strient les montagnes si nombreux que l'on s'embranche parfois dans le mauvais passage (d'où il ressort que notre navigateur en chef, IGN boy, est a la merci d'une coupure soudaine du réseau et de la carte Open Topo).

L’Argentera s’apparente à un vaste frigo dans lesquels la neige peut rester poudreuse plusieurs mois d’affilée, d’après Bartolomeo, le patron de l’Osteria, surtout à l’ombre des mélèzins qui tapissent les fonds de vallée. Nous avons donc déniché la machine à poudre - le jackpot pour des skieurs en manque ! Les curistes sur la terrasse de l'Osteria della Pace

La dernière sortie au départ de Sambuco offre un concentré des secrets du Valle Stura: dix petites minutes de portage à l’aller (une minute au retour !), et rien à jeter: montée sylvestre dans les mélèzes, clairières bucoliques, chants d’oiseaux à gogo, combe sauvage (avec cadavre de bestiau déterré par un renard prostatique…), arête avec vue à 360 degrés (y compris sur les remontées mécaniques d'une station de ski fermée il y a 10 ans pour cause de mauvaise gestion et projets immobiliers démesurés), descente dans une poudreuse idéale (of course), half-pipe en fond de vallon puis boarder-cross dans les mélèzes “plantés pour le ski”, a dit Barto (ça change du ski sanglier cher aux Baujus). Montée dans le mélezin vers la Cima Lose Dans la poudreuse sous la Cima Lose

Après trois séances de sauna/hammam/jacuzzi post-ski (la bande s'est vraiment embourgeoisée, bruisse le fil WhatsApp), lesquelles sont l’un des charmes de l'Osteria, il est temps de revenir aux fondamentaux. Le refuge Valasco, construction quandrangulaire aux tours crénelées baroques (il s’agit d’une ancienne maison de chasse de Vittore Emmanuele II), offre toute la panoplie: un petit 400 mètres de montée à pinces (pour cause de fonte des dernières neiges), la congère au milieu de la cour centrale garantissant une témperature proche de zéro dans les parties communes, repas redevenus basiques sur des assiettes en carton, poêle à granulés dans la chambrée rugissant comme une fusée au decollage (heureusement Steph Pointeaux finira par trouver le bouton pour avorter la mission et sortir la chambrée du sauna - involontaire celui-ci). Entre ricotta aux carottes et tarte aux myrtilles nous sollicitons les conseils d'Andrea, gardien lunaire qui a l'art de mimer la course du lendemain en deux tours d’index sur sa carte en 3D. Il utilise l'appli Fat Map, laquelle vous balade en hélico par dessus cimes acérées et blanches combes - décidément nous sommes passés à l'ère du tout digital cette année…. Les itinéraires ont une fâcheuse tendance à changer à chaque nouvelle demande d'explication, mais in fine tout va bien parce que “c' est facile, pas de problème”. On prie pour que le schpif pouf entre barre rocheuse et goulotte à pic soit facile à lire sur le terrain le lendemain… Reste un incontournable dans la préparation de la course, encore une nouveauté de 2023: l'exercice collectif de 'cartographie systèmique des vigilances' (CSV). Toute la bande se penche sur la carte pour visualiser le cheminement du lendemain, identifier les risques (pente raide, obstacle, exposition des versants) en fonction du BERA, et colorer les passages en vert (royaume du 'laisser faire'), orange ('tout le monde passe en mode alerte') ou rouge ('là en fait il vaut mieux laisser tomber'). Le seul point rouge du raid concernera le passage d'un pont romain avec la Dacia de Fredo, cinq petits centimètres de tolérance à droite comme à gauche, et une marmite d'eau glaciale bouillonnant quinze mètres en dessous… La "CSV', apprise par Fredo et Steph P lors d'un week-end de formation à La Grave, a l'avantage de faire partager la gestion des risques (et des horaires) à l'ensemble du groupe. Elle pousse aussi à l'autonomie voire l'”empowerment” de tout un chacun, qui verra Chris tracer bravement l'une de nos dernieres montées…

Le première balade depuis Valasco confirme nos doutes sur la fiabilité du gardien : la brèche pointee sur FatMap donne sur une barre rocheuse, et il nous faut redescendre une centaine de mètres avant de tourner une épaule très exposée (pente raide et déversoir rocheux en contrebas…), afin de prendre dans le vallon suspendu sous le premier col de la journée. Pas si “facile” que cela, y compris l'arrivée au dit col, défendu par une pente en neige gelée à un bon 45 degrés… Le couple d'italiens rencontré au sous le vallon n'aura d'ailleurs jamais trouvé le passage. Nous les retrouverons au même endroit quatre heures plus tard, une fois bouclé notre tour par le versant sud (français), et un deuxième col donnant sur de magnifiques champs de poudre (là notre “conseiller” ne nous avait pas trompé sur la marchandise !) Qu'ont fait nos deux skieurs transaplins pendant tout ce temps ? Ce qui se passe à Valasco… Compte tenu des bonnes conditions de neige, Andrea nous conseille un grand classique pour le lendemain: le tour du Valcuca, le sommet qui domine le refuge. L’itinéraire est très alpin avec un couloir à 40 degrés à la montée, à droite d’une canine posée sur la crète, un goulet fuyant à négocier de l’autre côté, puis un long canyon que nous avions repéré en arrivant au refuge, qui déverse directement dans la plaine attenante. En zoomant sur les photos prises le jour même, Stéph V repère le couloir d’accès… sans un pet de neige malheureusement ! Pour une fois Andrea paraît sceptique: la présence de glace pourrait rendre la montée à pied difficile. Le navigateur en chef nous trouve illico come plan B un collu inconnu du gardien. Au final nous en resterons au plan À, tout à fait praticable, et franchirons le couloir précédé par deux cabris bondissant de bloc en motte d'herbe jaunie. Sur le versant opposé (nord), la brèche tombe à pic vers le lac en un toboggan sans fond. Désescalade sur pointes avant en marche arrière, puis construction de plate-formes (plus ou moins planes…) pour rechausser en pleine pente et filer vers le lac en contrebas. Le canyon qui suit est juste assez large pour permettre quelques virages, dans une ambiance de ski de l’extrême. "Je n'ai jamais fait cela”, confie Fredo au bas du couloir,”'une super journée de ski alpinisme”. Et tout cela pour un petit 800 mètres de D+, le must de Valasco. Descente de la brèche sous la cima Valcuca

Notre tour de l'Argentera finit par le joyau qui avait attiré notre regard à l'origine: la montée vers la Cima Grande della Valetta (laquelle pointe à 2800 m, et non 2700 comme nous nous en étions persuadés tout au long de la balade…), la "plus belle rando du Piémont" d’après SkiTour. Celle-ci part du fond d'une vallée donnant sur Entracques ("Entre les eaux”, dans le patois occitan local), charmante station de ski endormie après une saison qui menace de devenir de plus en plus courte. Avec un télésiège culminant à tout juste 1000 mètres, on se fait une idée de la température du frigo à poudre au cœur de l'hiver… Une pause dans les rues piétonnes, en pleine préparation des festivités Pascales, nous permet de goûter à la gastronomie locale, dont un assortiment de bleus en état de décomposition avancé (mais ce qui est important c'est le goût au palais, nous rappelle la maîtresse des lieux !), et un biscuit épais, concentré d'énergie auquel Stéph Pointeaux devra s'attaquer au piolet. L’autre Stéph s’était dévoué pour transporter le biscuit dit “parpaing” - d’une densité proche du béton - dans son sac à dos, et nous fournir le shot de fructose bienvenu pour venir à bout de la montée. Cruel dilemme à la descente: vaut il mieux virer sur une pente raide et gelée au-dessus d'une bande de sinistres cailloux, ou sauter une corniche donnant sur le même versant raide, mais non exposé ? Chacun y va de sa solution, et finit par trouver sa voie vers les champs de poudre (toujours !) attenants. Au retour nous reprenons le dédale improbable des rampes et vires qui sinue à travers le cirque glaciaire. Cette recherche d'itinéraire explique en bonne partie l'intérêt de la balade, comme le contraste entre l'atmosphère sévère du jeu de passe muraille initial et les espaces sans limites du plateau supérieur. Au loin on devine la grande Bleue, notre étape ultime sur la route du retour, dans le golfe de Giens. La douceur de l'air et des retrouvailles efface peu à peu les rêves de ride sans effort dans la peuf. Quelques vallées plus haut, les elfes de l'Argentera ont fermé pour cette saison mais réparent en secret leur machine à poudre.

dimanche, juillet 25 2021

Pilier Chèze - Tête Sud du Replat

La grande aventure dans une voie historique, à l'assaut des taffoni de l'Oisans...

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lundi, avril 13 2020

Raid à ski en Haute Ubaye / 12 – 18 Avril 2017

Cette année, c'est direction Ubaye pour la joyeuse confrérie des randonneurs du mois d'Avril. Il a fallu composer avec les contraintes des uns et des autres: Chris a prévu de passer le week-end de Pâques en famille, tandis que Ben est retenu par un séjour de 10 jours aux Canaries (dur de jongler avec autant de congés, comme dirait Missou). Il ne peut finalement rejoindre le reste de la bande qu'au soir du premier jour. La bande en question est composée des suspects habituels (Fredo, les deux Stéph, Chris et Ben), et renforcée pour l'occasion par un petit nouveau très prometteur, Missou (dit le Beau Jules – à moins qu'il ne s'agisse du Beauju ?).

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Raid autour du Viso, 31 Mars – 7 Avril 2018

Par la bande des cinq pieds nickelés (voir dessins de Chris)...

Résumé de l’épisode précédent: après de longues délibérations l’an dernier en Haute Ubaye, Fredo et Stéph Vigier ont réussi à pister les refuges ouverts en ce début de saison et concocté un itinéraire d’une semaine autour du Mont Viso, et un positionné stratégiquement le départ côté Italien, pour être paré en cas de retour d’Est (voir le premier épisode).

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dimanche, avril 12 2020

Virée à skis au Paradis, 6-13 Avril 2019

Une bonne année après avoir louvoyé entre couloirs gorgés de neige et refuge crasseux autour du Viso, la bande des touristes à skis du mois d’Avril se reforme un Samedi midi entre la garde d’Aix et le parking de Décathlon aux abords de l’Autoroute Blanche, direction la Val d’Aoste – et plus précisément le village de Lillaz. Niché tout au bout du Val de Cogne, ce hameau est à quelques kilomètres de la porte d’entrée vers le Grand Paradis, qui est aussi le point de mire et l’objectif principal du programme de ce printemps.

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dimanche, avril 5 2020

Tour de l'Albaron et traversée Carro - Evettes, Avril 2014

Un an après avoir essuyé un retour d'Est en Italie et être passé entre les avalanches pour revenir sur le versant Français, la bande des skieurs du printemps (Stéph (Vigier), Stéph (Pointeau), Freddo (Chaptal), Fred, et votre serviteur) a enfin pu réaliser la célèbre liaison Carro-Evettes et grimper au sommet de l'Albaron par deux voies différentes.

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Initiation à l'escalade en mode "traditionnel" - Annot, Novembre 2018

Le stage escalade "Trad à Annot": une tradition Roc14 désormais ancrée comme un Camalot violet dans une finger crack, qui confine au mythe. Un lien vers de compte rendu par votre serviteur, "absolument mythique" et tordant de rire, d'après Lionel Catsoyanis, le prince des lieux.

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dimanche, mars 29 2020

Vole !

Déconfit des confinements et autres dérèglements climatiques ? Il est temps de déployer vos ailes de géant et de vous plonger dans Vole !, un roman entre quête de sens, récit de montagne et fable écologique. Le résumé ci-dessous vous mettra sur la voie...
Le roman est disponible en version numérique ou papier sur vos plateformes ou librairies habituelles (voir liens en fin de billet).

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mercredi, août 9 2017

La "Contamine" à l'Aiguille du Midi

4 Août 2016 - avec Julien Duverney, guide.

Départ par la 3ème benne de l'Aiguille vers 6h45; il fait déjà doux dans la vallée (près de 20 °C!), un peu plus frais en sortant de la 'grotte' suintante d'humidité qui donne sur l'arête qui descend vers le col du Géant. Le parcours est agrémenté de quelques sauts de puce par-dessus les crevasses pour cause de faible enneigement récurrent cette année (d'ailleurs nous ne reverrons pas un pet de neige sur l'Aiguille elle-même, parfaitement séche).

Julien suscite l'admiration d'une grimpeuse anglaise en escaladant les premiers mètres de granit en grosses chaussures, depuis la pente de neige bordant le bas de la face S de l'Aiguille. Je me permets de lui expliquer qu'en fait il compte juste s'installer confortablement sur la plateforme juste au-dessus qui sert de relais "0" pour la première longueur. Soulagement, elle n'est pas tombée dans un remake des Etoiles de midi... Julien part légèrement à droite dans un dièdre ascendant avant d'en tourner le coin et revenir rapidement à gauche via une fissure en diagonale. Il fait relais sous le toit qui marque la séparation d'avec la voie 'Rébuffat' d'à côté, et peut se franchir par la droite comme par la gauche. Julien a choisi cette dernière option - je pars le rejoindre en glissant à la même grimpeuse anglaise arrimée à notre relais que si elle veut faire la 'classic' (la voie Rébuffat) il faut qu'elle continue plus loin vers la gauche en fait. "Good thing you told me" me répond-elle en souriant - ce qui lui évitera de partir par erreur dans une voie un cran au-dessus en termes de difficultés.

C'est un plaisir de retrouver le granit si coloré et adhérent de cette face que j'avais gravie par 'the classic' plus de 10 ans auparavant. Les grains à la surface sont parfaits pour gratonner, les chaussons adhèrent à la moindre parcelle minérale et permettent des mouvements d'équilibre improbables quand les prises de main disparaissent. Il faut néanmoins également se réhabituer au style "fissure ronde" sans aspérité évidente sur lesquelles faire agripper les doigts, et je ferraille pour remonter vers le relais. Arrivé en haut Julien m'annonce un "6a+" pour la longueur suivante - celle-ci aurait donc dû être plus facile ? Huf et puf... Quand je pense à la fissure crux en 6c/7a à venir, le doute m'envahit - on dirait que l'altitude (3800 m) et les particularités de la grimpe chamoniarde sont en train de me jouer un tour... Oh surprise, la longueur suivante est une courte et plaisante promenade sans difficultés particulières. Il suffisait donc de s'échauffer ! (ou de lire correctement le topo, qui annonçait bien '6a+' mais pour la première longueur et 6a pour L2).

Début de L3, les fissures verticales

Le relais suivant annonce le début des (vraies) difficultés: 40 mètres soutenus consistant à remonter deux fissures parallèles, interrompues par un petit toit franchissable par un pas 'intense et délicat', d'après le topo (niveau 6b/6b+). Julien s'y emploie pendant une bonne demi-heure, coinçant un pied à droite, puis à gauche, louvoyant sous le toit pour mousquetonner un vieux spit tout à gauche avant de saisir l'arête bordant le côté droit, et enfin progressant précautionneusement au-dessus, de coinceur en piton vers la vire du relais suivant. L'escalade est magnifique, il ne faut pas hésiter à faire des verrous dans les fissures quand les grattons se dérobent, les prises de main sont toujours franches - dans le genre 'verticales', bien sûr. Je choisis une autre méthode que Julien pour passer le toit, la main droite sur l'arête et le pied en adhérence sur le rebord supérieur de l'obstacle. Le jeu des deux fissures parallèles reprend ensuite, agrémenté cette fois de l'arête main droite et surtout de pitons qui permettent de reposer les pieds entre 2 verrous (les mollets commençant à être douloureux...) - mais nous n'en dirons rien.

Sortie de L3 et des fines fissures parallèles

Nous remontons ensuite un dièdre légèrement couché (5+), en sortons par un court mur sur la gauche donnant accès à une confortable terrasse d'où nous pouvons (enfin) admirer de près la fameuse fissure déversante en 6c/7a, qui est la clé de la voie, et qui nous dominait d'un air vaguement menaçant depuis le début de l'escalade. L'obstacle paraît de fait plus avenant vu de près et légèrement de côté.

Le mur vertical de L4 avant la terrasse du relais.

"Bon, c'est là qu'il faut s'appliquer" prévient Julien en partant à l'assaut d'un premier bloc décollé qui défend l'accès à la fissure. Les deux pieds sur le haut du rocher, il se lance sur des petites prises, inspecte la suite, puis redescend prudemment pour placer un friend. Autant protéger la chute quand on est encore en terrain facile... Il repart ensuite, pose un pied droit très haut sur une espèce de bosse protubérante sur la droite, pose un deuxième coinceur, se hisse sur son pied - et disparaît à ma vue, dans un bombé. Quelques minutes plus tard il ressort, accroché à ce qui paraît une écaille miraculeusement franche, et commence à traverser vers la gauche. Ayant en mémoire des photos ou videos peu engageantes de cette traversée je m'enquiers de la nature des prises. "Tu peux y aller c'est très bon ici" me rassure Julien. Finalement la partie réellement difficile est plutôt courte... et moins physique que prévu grâce à la bosse médiane, qui une fois franchie permet de se poser pour bien négocier la fin de la fissure. Encore une fois nos options divergent: Julien (qui devra refaire le passage pour récupérer une dégaine que j'avais laissé choir au bas du passage, dans le feu de l'action... ) est partisan d'un bon mouvement de dülfer avant d'atteindre l'écaille salvatrice (efficace mais un peu aléatoire) - je préfère quant à moi monter les pieds de part et d'autre de la fissure sur des aspérités microscopiques pour lancer une main vers la même écaille (moins physique mais tout autant risqué...). Le relais se situe une dizaine de mètres à droite, au bout d'une traversée protégée par de beaux scellements tout neufs.

Traversée vers le relais en fin de L5 (longueur clé).

La 6ème longueur remonte une belle dalle à 'knobs' (cailloux noirs protubérants enchassés dans la granit), avec un mouvement délicat légèrement descendant pour mousquetonner la dernière des nouvelles broches en place (merci aux ré-équipeurs !) - quelque chose comme 6a pour le niveau. Quelques bonnes fissures horizontales permettent d'atteindre une grande plateforme, relais pour la dernière longueur. Celle-ci traverse à travers des blocs détachés et lames rocheuses pour attaquer l'éperon sommital de l'Aiguille. Les quelques mètres en 6b ne sont pas donnés - je m'emploie un moment à trouver les grattons (bien à gauche de l'éperon) et les petites réglettes qui sont la clé du passage. Belle séquence technique finale... (et ténacité pour ne pas tirer au clou et bien finir la voie en libre!)

Dans le mur final, sur l'éperon sommital.

Le rappel final nous dépose autour de 11h30 sur les galeries du téléphérique. La descente n'est pas encore engorgée, la face N de l'Aiguille défile rapidement sous notre cabine... à bientôt pour l'éperon Frendo ?

samedi, septembre 17 2011

Voie des Suisses au Grand Capucin / 11 Août 2011

Guide: Julien Duverney

Conditions météo: parfaites (grand beau, pas de vent, températures douces).

Départ 7h30 Aiguille du Midi (3ème benne, queue aux caisses le matin – j'ai coupé la file grâce au guide. Mieux vaut prendre sont forfait la veille ou en tout cas réserver).

Retour 17h30 à l'Aiguille.

Arrivée en bas du Grand Cap vers 8h30, passage de la rimaye sans problème (bouchée rive gauche du couloir), attaque à 9h.

Avons progressé corde tendue dans les gradins en 3, pour doubler une cordée de Russes devant, puis fait un relais sur pitons avant la traversée vers le dièdre des Suisses (L3 avec un bon pas de 5+ pour contourner un gros bloc au-dessus du relais et se rétablir sur une belle dalle à droite. 2 pitons, les pitons du relais sont même bien utiles pour mettre un pied pour traverser). L4 est le premier crux de la voie (6a), fissure plutôt franche pour les mains et knobs noirs protubérants pour les pieds. Le pas dur se négocie au moyen d'un verrou de pied droit dans la fissure, une adhérence sur des cristaux rouges pour pied gauche et une bonne poussée pour attraper une prise bien crochetante à l'intérieur de la fissure – mais légèrement humide... Ensuite traversée à gauche sur une bonne écaille et rétablissement sur la plateforme du relais. Fissure en 6A (L4) Les 2 longueurs suivantes (L5 & L6, rampe couchée se redressant progressivement) amènent à une 'confortable terrasse' (d'après les topos), qui en l'occurrence est enneigée (relais commun avec O Sole moi), au pied de la Paroi Rouge. Départ du relais sur une dalle à droite, puis une fissure plus raide nous rapproche des surplombs de la voie des Suisses – peu engageants, d'autant plus que d'après Julien les pitons de ce passage ont la fâcheuse réputation de sauter tout seuls. C'est là qu'a lieu la jonction avec O'Sole moi, qui se caractérise par la présence d'une belle plaquette de 10 au départ de la longueur suivante (L8), avant de rejoindre la fissure sur le pilier. Une fissure traversant légèrement à gauche (L9) nous rapproche des surplombs, puis O'Sole Mio se décale légèrement à gauche pour les éviter (L10). Julien tâtonne pour trouver la bonne fissure, finit par la localiser (à 2 m à gauche du relais), monte de quelques mètres et place 2 friends côte-à-côte avant de se lancer dans le crux - un bon pas de 6a. La section qui suit est plus facile, et aboutit au pied d'un dièdre couché dans lequel se balance une vieille sangle. O Sole moi traverse franchement à gauche sous ce dièdre (3 plaquettes rapprochées), par quelques pas fins aux prises de main peu évidentes (bien tâtonner pour trouver quelques réglettes correctes pour la main droite), jusqu'à la bonne fissure main gauche qui sauve (1 m à gauche de la 3ème plaquette). Cette fissure mène à une plateforme au pieds des derniers gradins sous-sommitaux, qui se franchissent à droite d'un piton rocheux très raide, en 2 longueurs faciles, que nous passons corde tendue. Départ de L7 (dalle puis fissure raide)

Sommet à 13h05 (4h d'escalade en tout pour 13 longueurs, bon rythme...). Vue magnifique sur la Tour Ronde, Peuterey et l'Aiguille Blanche, le Mont-Blanc, la dent du Géant et les Grandes Jorasses... Le Trident voisin semble minuscule sous nos pieds.

Nous enchaînons sur la descente, en essayant d' »optimiser » les manoeuvres de rappel pour attraper la dernière benne de l'Aiguille du Midi (18h en principe). Un premier rappel nous amène au pied des gradins sous le sommet, 2 autres à la plateforme en bas de la paroi rouge, en descendant en fil d'araignée le toit en 6b+, crux de la voie O Sole Mio. 2 rappels en diagonale à droite (vers le couloir de l'Aiguillette) nous ramènent dans les gradins du début de la voie et au relais de départ, où nous avions laissé nos affaires de glacier. La goulotte neigeuse que nous avions remontée le matin pour arriver là est devenue un déversoir par lequel les pierres descellées par le dégel de l'après-midi sont précipitées vers le glacier en aval. Il est temps d'aller vérifier la rumeur selon laquelle une ligne de rappels a été équipée récemment dans les rochers bordant le couloir en rive gauche, permettant même de passer directement la rimaye. La confirmation arrive rapidement de Julien, sous forme d'un bon relais chaîné, et quelques minutes plus tard nous pendulons quelques instants sous la lèvre supérieure de la rimaye – bien ouverte à cet endroit-là, et prenons pied sur le glacier du Géant. Il est 15h30, impossible de rejoindre la benne de l'Helbronner avant 16h. Nous décidons de nous rabattre sur l'Aiguille du Midi, 5 km et 600 m plus haut (car il nous faut redescendre vers le plateau central du Glacier du Géant, à 3200 m). 2h de marche rapide, heureusement sans crampons car la neige molle le permet, nous franchissons le portillon séparant la zone alpine des touristes venus apprécier l'ambiance de la haute altitude depuis la plateforme panoramique. Ce jour-là la plateforme a fait le plein et les bennes tournent à plein régime - et au-delà de l'heure de fermeture théorique de 18h – pour redescendre les hordes d'amateurs des cimes. La promiscuité des bennes, combinée surtout avec le fait que j'ai rien mangé de consistant depuis mon petit-déjeuner à 5h du matin et la fatigue de la course font que je tombe littéralement de sommeil dans la dernière benne... heureusement un peu d'eau et l'ingurgitation de mon pique-nique me remettent rapidement d'aplomb. Les saucisses du barbecue de la veille, qui ont fait elles aussi le Grand Cap, ont un goût délicieux !